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En quête du Pandra

Le 7 janvier 2018

C’est un fait, au Népal, un régime anticyclonique s’installe systématiquement après la mousson. Un cadeau de la nature envers les alpinistes audacieux qui fait de l’automne une période propice aux ascensions de haute altitude.

C’est pour profiter au maximum de ces conditions favorables, que Mathieu Detrie, Pierre Labbre et Benjamin Vedrines se sont rendus sur place dès la fin de la saison des pluies. Les trois amis, tous guides de haute montagne, ont bénéficié d’une bourse versée par la FFME pour la réalisation de leur projet : le Pandra. Un sommet de 6700m situé à l’extrême Est du pays, dans la région du Kangchenjunga.

En effet, ces habitués des ascensions népalaises souhaitaient, une fois n’est pas coutume, s’écarter des « classiques » que sont le Khumbu ou les Annapurnas pour trouver un terrain de jeu plus aventureux et sauvage. Leur  dévolu se fixe alors sur le Pandra. Ce magnifique sommet n’avait été grimpé qu’une seule fois, en 2002, par une équipe danoise via sa face Sud. L’année dernière, une cordée japonaise s’était frottée à sa face Nord-Est, raide de 1200 mètres de mixte. Une tentative avortée à 300 m du sommet, mais dont les images incroyables furent publiées sur le site de l’American Alpine Journal. « C’est  bien cette tentative, et ses photos, qui nous ont amenés à envisager ce projet », témoigne Benjamin Vedrines.

Ainsi, le 25 septembre, les trois compères débarquent à Katmandou, et entament un long périple vers l’Est. « Le 29 septembre, après deux jours de bus, dont quatre heures de Jeep en terrain miné, le trek pour rejoindre le camp de base commence enfin, poursuit Benjamin Vedrines.Il nécessitera une bonne semaine de marche à travers la vallée kangchenjunga. c’est un site connu des trekkeurs mais peu fréquenté : les lodges n’y sont pas encore développés comme dans d’autres massifs, ce qui rend la logistique laborieuse et onéreuse ».

 

Le Pandra vu du camp de base avancé.

C’est dans la vallée du glacier Lhonak, non loin du Pandra, que le camp de base est posé, le 6 novembre, à 5100 mètres d’altitude. La véritable acclimatation commence avec deux nuits à 6100 mètres et un sommet à 6250 mètres, situé face au Pandra. « Cela nous a permis de bien étudier l’itinéraire, le choix de l’emplacement des bivouacs et la durée d’ensoleillement de la face, détaille Pierre Labbre. Cette année les conditions semblaient excellentes comparées à celles qu’ont subies les Japonais ! Tant mieux pour nous! »

Quelques jours de météo instable offrent néanmoins un bon repos avant le grand départ. Puis, le 15 octobre, les alpinistes partent en direction du camp de base avancé à 5550 mètres. Après quatre heures d’efforts, l’équipe s’installe. Ils sont encore à deux heures du pied de la face nord-est du Pandra.

Le 16 octobre, après une bonne nuit de sommeil, l’ascension commence. Mathieu, Pierre et Benjamin rejoignent le premier bivouac dans le temps imparti.  

Le lendemain, deux longueurs délicates, dont la dernière juste sous le deuxième bivouac, nécessitent plus de temps que prévu. « Malgré tout, nous parvenons à notre deuxième bivouac, très confortable, situé dans un renfoncement naturel en forme de grotte, explique Mathieu Detrie. Parfait pour récupérer ! »

 

Longueur délicate (WI6) du deuxième jour

« Enfin, le troisième jour, une partie non visible depuis le bas nous offre un passage plus facile que prévu. Une belle surprise, confie Mathieu Detrie. Après cela, une dernière longueur délicate nous amène dans la partie finale, composée d’« Ice Flute » et d’une grande pente de neige à 50° sur 150 mètres. »

Vers 14 heures, les visages s’illuminent face à l’immensité des paysages himalayens qui se présentent à eux. Un bref instant de bonheur au sommet, qui laissera vite place à la concentration pour la descente.

Vue depuis le sommet du Pandra, vers le sud et les massifs du Jannu et des Sarphu.

« L’idée de dormir à nouveau au dernier bivouac n’a pas pesé lourd face à l’envie de clore l’aventure. Ainsi, en se relayant pour construire les relais de rappel, nous atteignons le plat du glacier, au pied de la face, vers 21h30. Nous nous sommes effondrés dans nos duvets après un thé bien mérité ! »

Le 19 octobre, les trois alpinistes sont de retour au camp de base principal, heureux et fiers d’avoir su grimper un itinéraire de cette ampleur. « Nous avons eu la chance de bénéficier de conditions météorologiques, humaines et de terrain absolument exceptionnelles. Cela nous a permis de profiter au maximum d’une grimpe très esthétique, sur de somptueuses longueurs de glace, de mixte et de neige, conclut Benjamin Vedrines. C’est pour cela que nous avons décidé de nommer  cette voie : « Peine Plancher », car nous n’avons eu que le « minimum syndical » en termes de dangers, de risques, et de peine. »

La voie est cotée ED, M6, WI6, 1200 mètres.

L’équipe tient à remercier particulièrement la FFME pour son soutien financier dans ce projet ambitieux.« Nous sommes fiers d’avoir pu représenter cette fédération qui aide et contribue aux réussites comme celle-là. »