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Les 82 travaux de Liv Sansoz

Le 11 octobre 2018

Cela fait seulement une semaine que Liv Sansoz est redescendue sur le plancher des vaches. Elle est déjà ailleurs, au large sur un bateau en Sardaigne, en quête de beau rocher au soleil. Il y a quelques jours pourtant, elle était bien loin la douceur du large de la Méditerranée. Son 82e et dernier 4000 ne fut pas une sinécure et avait bien quelque chose « d’herculéen » : s’affranchir de l’intégrale de Peuterey avec une sortie au Mont-Blanc (4810m) et un décollage en parapente de son sommet forcent l’admiration. Pour Liv Sansoz, il s’agissait simplement de terminer en beauté une année et demi passée en haute montagne. Sur les traces de Lorethan ou Berhault, légendes parmi les légendes ayant tenté cet enchaînement mythique.

Mais passer par les points culminants de 82 sommets de plus de 4000 mètres, sans prendre de remontée mécanique, n’est pas exactement une promenade dominicale.

« L’idée de ce projet m’est apparue alors que je faisais un enchaînement de plusieurs sommets à plus de 4000m en Suisse en 2015, explique Liv Sansoz.On parlait d’expéditions lointaines et je me rendais compte que j’étais capable de me satisfaire pleinement de grimper « à la maison », dans les Alpes. Réaliser les 82 sommets de plus de 4000m des Alpes est un défi de taille auxquels certains des plus grands alpinistes se sont confrontés. Chacun à leur manière, cherchant l’enchaînement le plus rapide ou la difficulté technique. J’ai alors décidé de façonner un projet qui me ressemble : sans me mettre de pression de temps ou de difficulté. Simplement célébrer la montagne de la même manière que 90% des alpinistes : pour ce qu’elle est, sans chercher la performance. »

Le projet prend forme : des compagnons de cordée, 25 au total, des amis, pas d’aide motorisée durant les marches d’approche et l’utilisation de diverses techniques de l’alpinisme moderne, skis et parapente en tête. Ancienne athlète de haut-niveau en escalade, Liv Sansoz se prépare comme une championne et travaille son endurance et sa capacité de récupération : sur ces voies normales, le facteur limitant ne sera pas son niveau technique, elle qui fut championne du monde d’escalade en 1997 et 1999.

 « Quand j’ai listé tous les sommets qu’il me fallait gravir, je n’ai pu m’empêcher de me dire que c’était un projet disproportionné », concède-t-elle tout de même. Liv Sansoz commence doucement, en mars 2017, avec le Grand Paradis en Italie, peut-être le sommet le plus accessible de tous les 4000 des Alpes. Puis elle met le turbo : dans les 50 premiers jours du projet, elle « coche » 37 sommets comme pour se rassurer sur sa capacité à enchaîner les courses en montagne.

 « J’ai passé six jours dans l’Oberland, en Suisse, avec entre 10h et 15h par jour à être en mouvement en montagne. C’était éprouvant. La moindre ampoule devient un problème qui vient largement compliquer les choses », se souvient l’alpiniste. Que dire alors de cette déchirure musculaire, doublée de gelures, qui la privent de montagne pendant deux semaines ? Les journées s’égrenaient sans aucune croix pour leur donner de la substance. Ou de ces chutes de pierres à répétition dans l’intégrale de l’Aiguille du brouillard ? « Un moment terrorisant, nous étions pris au piège, se souvient Liv Sansoz. Mais ce ne sont pas ces instants de doute qui restent, ce sont bien toutes ces belles heures passées en montagnes, ces 82 expéditions « dans mon jardin », autour de chez moi. » 

Après l’ivresse des sommets, il lui faut maintenant faire face à cette redescente subite, celle que l’on connaît après avoir complété un projet d’envergure.« Cela passe par des vacances dans un autre environnement, sourit l’intéressée.Et surtout par un autre projet en gestation. Je n’ai jamais pu gérer autrement la fin d’une belle aventure qu’en en commençant une nouvelle. » Liv Sansoz n’en dira pas plus. Après un an et demi passé sur les glaciers des Alpes, le rocher chaud de la Sardaigne l’appelle.

Pour mémoire, Liv Sansoz a remporté deux titres de championne du monde d’escalade, en 1997 et en 1999, et elle a gagné à trois reprises le classement général de la Coupe du monde (en 1996, 1998 et 2000), elle a par ailleurs été deux fois médaille d’argent (1997 et 1999) et une fois médaille de bronze en 1995.