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ENAF - Expédition en Cordillère de Darwin (Chili)

Le 18 octobre 2018

L’équipe nationale d’alpinisme féminine rentrera en France le 20 octobre, après une intense expédition d’un mois en Cordillère Darwin (Chili). Une expédition qui vient conclure le cycle de formation de 3 ans de l’ENAF et dont l’objectif était l’exploration et l’ascension de sommets vierges dans la Cordillère de Darwin.

Retour sur un magnifique périple, raconté depuis Punta Arenas.

Vue depuis le camp de base – @Maud Vanpoulle

Le 25 septembre dernier, quatre alpinistes féminines (Florence Igier, Johanna Marcoz, Marion Pravin et Maud Vanpoulle), deux guides et cadres de la FFME (Antoine Pêcher et Gael Bouquet des Chaux) ainsi que quelques 750 kilos de matériel et de nourriture, étaient déposés au cœur de la Cordillère de Darwin. Accessible uniquement par voie maritime, la Cordillère Darwin est l’un des massifs les plus sauvages de la planète. Situé au sud de la Patagonie, entre le détroit de Magellan et le Cap Horn, cette chaîne montagneuse d’environ 170 km de long sur 60 de large, est réputée pour son climat particulièrement hostile. Très peu exploré, il reste de nombreux sommets vierges, défendus par d’immenses glaciers et une végétation très dense.

S’aidant des informations fournies par le Groupe Militaire de Haute Montagne (GMHM) qui en a effectué la première traversée en 2011, ainsi que celles du Chilien Camillo Rada (grand spécialiste de la Patagonie), l’ENAF a pu déterminer deux objectifs possibles : les deux sommets vierges entourant le col Esperanza (Points 1564 et 1814 sur la carte de Camillo Rada), ainsi qu’un lieu de dépose possible en bateau.

Déchargement du bateau – @FFME

« Nous nous sommes présentés à Puerto del Hambre, le port duquel nous avons embarqué. Le marin chilien Fernando Viveros est l’un des meilleurs spécialistes de la navigation en Patagonie. Les conditions furent exceptionnellement bonnes pour cette navigation d’environ 100 miles où nous avons traversé le détroit de Magellan, avant d’être déposé dans le Fjord Finlandia, légèrement au nord du point initialement projeté », explique Antoine Pêcher, guide et CTN en charge des équipes nationales d’alpinisme.

L’épopée commence par le transport du matériel et l’installation du camp de base (CB – GPS : S 54°33’51’’ O 69°43’40’’). Ce jour, le soleil est surprenant et le cadre grandiose : sommets imposants, immenses glaciers se jetant directement dans la mer, forêts denses et humides enchaînant sans transition avec des glaciers.

Dès le lendemain, le 26 septembre, le camp de base est monté. Il est composé de quatre tentes et d’une cabane en bois construite avec le bois tronçonné sur place.

Vue intérieure de la cabane en bois que nous avons construite – @FFME

« Les trois jours suivants, le mauvais temps nous a contraint à rester au camp de base, se rappelle Antoine Pêcher. Puis, le 30 septembre, une fenêtre météo a permis l’ascension de deux sommets vierges : le Cerro Nylandia (1114m – GPS : S 54°32’14’’ O 69°42’20’’) et Point 1044 (1044m – GPS : S 54°32’47’’ O 69°42’7’’) que nous avons rebaptisé Cerro Fernando, du nom du marin qui nous a amené dans la Cordillère. Ces sommets présentaient peu de difficultés techniques. La vue magnifique et dégagée du sommet nous a permis de bien observer nos objectifs principaux (Point 1564 et Pointt 1814). »

Après cette journée de huit heures d’effort et deux jours passés au camp de base pour cause de mauvais temps, le départ est donné, le 3 octobre, pour une tentative en deux jours du Point 1564. L’approche s’avère longue et compliquée où une neige humide succède à une végétation très dense. Le bivouac s’installe finalement au terme de six heures d’approche avec des sacs de 15 kg.

Arrivée au sommet Cerro Fernando sous le vent – @FFME

« Le 4 octobre, nous avons mené une tentative sur le Point 1564 dans une météo maussade. Le manque de visibilité nous a pénalisé dans ce glacier crevassé, avec passages de séracs et de rimayes. Nous perdons plusieurs heures à chercher une voie dans les 50 derniers mètres, pour finalement renoncer à une trentaine de mètres du sommet en raison du manque de matériel et de visibilité, explique Gael Bouquet des Chaux, guide et cadre FFME. L’engagement était trop important. Nous sommes rentrés fatigués au camp de base vers 22h après une journée de 15 heures d’effort. »

Tentative 1 Point 1564 – Bivouac – @FFME

S’en suivront trois jours de pluie, propices à la récupération. Puis, le 9 octobre, un dernier créneau météo est annoncé. L’équipe s’engage alors dans la tentative, à la journée, du Point 1814m. Une belle pyramide neigeuse d’aspect plus facile que le Point 1564 précédemment abordé.

Tentative 1 Point 1564 – Approche crevasse – @FFME

« Tout le début de l’approche était commun avec celle du Point 1564. Nous avons mieux optimisé le cheminement mais nous avons dû renoncer vers 650m sous des rafales de vent estimées à plus de 100km/h. Nous avions du mal à rester debout ! poursuit Antoine Pêcher. Nous avons alors décidé de traverser en direction de l’emplacement du bivouac du 3 octobre pour y faire un dépôt de matériel – en prévision d’un nouvel essai le lendemain sur le Pointt 1564, malgré une météo annoncée moyenne. La trace était pénible à faire dans la neige et nous sommes rentrés au camp de base vers 20h après une journée de 13 heures d’effort. »

 Tentative Point 1814 : retraite sous le vent – Au fond à gauche : le Point 1564 – @FFME

Le 10 octobre, les six alpinistes se sont réveillés tôt pour un départ sous la pluie. Délestés d’une partie du matériel, ils ont cette fois-ci pu rejoindre le bivouac en 2h30. Au pied du Point 1564 (1564m GPS : S 54°34’31’’ O 69°38’59’’), la pluie a cessé. « La visibilité était bien meilleure que lors de la tentative précédente, explique Antoine Pêcher. Ce qui nous a permis de mieux comprendre les derniers mètres. Nous nous sommes alors engagés dans une option basée sur un système goulottes. Les difficultés techniques étaient modérées (3+ glace max et 70° neige), mais l’exposition restait importante et les protections difficiles à poser. Nous avons atteint le sommet vers 15h. Un sommet où nous avions à peine la place d’y tenir à six. A ce moment, quelques éclaircies nous ont permis d’apercevoir l’immense glacier Marinelli sur l’autre versant. Puis, deux rappels de 60m, un de 20m et un peu de désescalade ont suffi pour nous ramener sur le glacier, au pied de la pyramide sommitale. »

Tentative 2 Point 1564 : arrivée au sommet – @FFME

Les alpinistes ont décidé de renommer ce sommet le Cerro Akila, qui signifie « glace » en langage Yagan, premiers habitants de la Terre de Feu.

Tentative 2 Point 1564 – Autoportrait au sommet (de gauche à droite : Marion, Florence, Maud, Gaël, Johanna) – @FFME

Au 11 octobre, le camp de base est démonté en prévision d’un retour par bateau le lendemain (la météo est annoncée mauvaise les jours suivants). « Le 12 octobre, Fernando Viveros et Oscar, son équipier, sont arrivés en milieu de journée avec le bateau. Nous les attendions avec toutes nos affaires. Aucun déchet n’a été laissé sur place. L’ossature en bois de la cabane que nous avions construite est la seule trace de notre passage. En revanche, sur la mer, les conditions ont été nettement plus compliquées qu’à l’aller. La mer était tellement agitée que nous avons été contraints de nous réfugier pour la nuit dans une petite anse protégée. Le lendemain, la mer était toujours très agitée, avec des creux de trois mètres lors de la traversée du détroit de Magellan. Une traversée qui reste sans doute le moment le plus effrayant de toute l’expédition. Nous sommes finalement rentrés à bon port et avons rejoint Punta Arenas en milieu de journée. »

ENAF : expédition Cordillère Darwin – De gauche à droite : Gaël, Maud, Marion, Johanna, Florence, Antoine – @FFME

L’équipe

Florence Igier (29 ans) – Ingénieure informatique

Johanna Marcoz (27 ans) – Monitrice de ski, Aspirant Guide de haute montagne

Marion Pravin (29 ans) – Ingénieure ONF

Maud Vanpoulle (25 ans) – Etudiante, Aspirant Guide de haute montagne

* Alexia Ederle, la 5e membre de l’équipe s’est blessée quelques semaines avant le départ et n’a pas pu prendre part à l’expédition.

Les coachs

Gaël Bouquet Des Chaux (43 ans) – Conseiller technique FFME, Guide de haute montagne

Antoine Pêcher (42 ans) – Conseiller technique FFME, Guide de haute montagne

 

Remerciements particuliers à nos partenaires, au Groupe militaire de haute montagne (GMHM) et à Camillo Rada pour les informations fournies sur la cordillère Darwin.

 

 

 

Retour sur cette grande aventure, avec Antoine Pêcher, guide de haute montagne et CTN en charge des équipes nationales d’alpinisme.